Résidence alternée (1)

Jugement commenté : Résidence alternée (1)

Cette autre décision conforte l’idée que la doctrine de la résidence habituhelle des enfants chez la mère n’est plus une fatalité et que certains juges de la cour d’appel estiment, selon les éléments du dossier qu’une résidence alternée peut être envisagée. Il apparait clairement que ces différentes décisions se font en appel d’une première décison rendue par le premier juge : le juge aux Affaires familiales, encore sous l’emprise de la doctrine dominante confortant l’automacité de la résidence des enfants chez la mère.

La Cour est saisie d’un appel de monsieur  » L  » d’une ordonnance du 27 mars 2001 du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Melun qui a :
maintenu l’exercice en commun par les deux parents,
fixé la résidence habituelle des enfants chez la mère, – dit que, sauf meilleur accord des parties, ]Monsieur  » L  » exercera un droit de visite et d’hébergement les 1ère, 3ème et 5ème fins de semaine de chaque mois de la sortie des classes au dimanche 19 heures *les 2ème et 4ème mercredis de chaque mois- du mardi soir de la sortie des classes au jeudi matin rentrée des classes la 1ère moitié des vacances scolaires les années paires, la seconde moitié de ces vacances les années impaires, dit que, si un jour férié précède ou suit 1a fin de semaine en la prolongeant, il profitera à celui qui exercera le droit de visite et d’hébergement, -condamné Monsieur « L  » à payer à madame  » L  » une pension alimentaire mensuelle indexée de 1200 F par enfant, soit au total 2.400F,
débouté les parties du surplus de leurs demandes,
rappelé que l’ordonnance est de droit exécutoire à titre provisoire, dit que les dépens seront supportés par moitié.

Référence faite à la décision déférée pour l’exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties et aux dernières conclusions de l’appelant du 11 mars 2002 et de l’intimée du 12 mars 2002 en ce, qui concerne leurs demandes et moyens actuels, il convient de rappeler que des relations de Monsieur  » L  » et Madame  » L  » sont nés Jordan, le 31 juillet 1992, et Léa, le 29 mars 1997, reconnus par les deux parents. Une enquête sociale a été ordonnée par décisions du Juge aux affaires familiales du 1er mars 2000.

PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur  » L  » demande à la Cour de le recevoir en son appel et le déclarer bien fondé,
infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a fixé la résidence des enfants au domicile de la mère

Statuant à nouveau,

A titre principal
dire et juger que l’autorité parentale sera exercée en commun par les deux parents et que, dans ce cadre, la résidence des enfants sera fixée alternativement chez chacun de ses parents une semaine sur deux,
dire et juger que, dans cette hypothèse, il n’y a pas lieu à fixation d’une contribution à l’entretien et à l’éducation,

A titre subsidiaire
dire et juger que la résidence des enfants sera fixée chez le père dans le cadre de l’exercice en commun de l’autorité parentale,
voir fixer à 1000 F par enfant et par mois le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation des
enfants qui sera mise à la charge de la mère,

A titre très subsidiaire,
dire et juger que dans le cadre du maintien le la résidence habituelle des enfants au domicile de leur mère, les droits du père seront élargis à l’occasion de l’exercice de ses droits les fins de semaine qui lui seront attribuées,
dire et juger qu’il pourra ramener les enfants directement à l’école le lundi matin au lieu du dimanche soir chez leur mère,
Condamner Madame  » L « aux dépens de première instance et d’appel.
Il expose qu’il a dû subir une séparation qu’il ne souhaitait pas, qu’il a été privé de ses enfants qu’il ne pouvait plus voir que de façon minimum, que la mère a fait passer lors de la séparation ses propres intérêts avant celui des enfants, que l’enquêtrice n’a formulé aucune réserve sur le père, qu’il est pleinement disponible pour ses enfants et en tout cas plus que la mère qui délègue en permanence ses tâches, qu’il est domicilié à 6 kilomètres de distance de la mère et que rien ne s’oppose à une résidence alternée, que son emploi du temps est aménageable, que la mère l’a menacé d’ un départ en province le séparant de ses enfants.

Madame  » L  » demande à la Cour de :
Au vu du rapport d’enquête sociale,
débouter Monsieur  » L  » de toutes ses demandes,
confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
condamner Monsieur  » L  » au paiement de la somme de 1821,29 euros au titre de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.

Elle soutient que les qualités du père ne sont pas contestées, même si elle estime qu’elles se sont révélées à l’annonce de la séparation, elle conteste avoir privilégié ses intérêts personnels sur celui des enfants, fait valoir qu’elle n’a jamais failli à ses responsabilités parentales, que les enfants sont parfaitement équilibrés et heureux auprès d’elle, que l’organisation est mise en place depuis plusieurs années, que leur scolarisation à proximité du domicile des grands-parents doit être préservée en priorité, qu’elle est d’autant plus disponible pour s’occuper des enfants qu’elle vient de faire l’objet d’un licenciement économique et doit accoucher dans quelques mois, que l’intérêt commande de maintenir les modalités d’exercice du droit de visite et d’hébergement qui ont fait leur preuve.

CECI ETANT EXPOSE,

LA COUR

Considérant que l’exercice en commun de, l’autorité parentale n’est pas contesté et sera, en conséquence confirmé ;

Considérant qu’il résulte du rapport d’enquête sociale établi en septembre 2000 que la séparation des parents est intervenue sur l’initiative de Madame  » L  » en janvier 2000 après dix ans de vie commune ; que chacun des parents, qui a réorganisé sa vie, est actuellement en mesure de s’occuper des enfants dans de bonnes conditions ; que Jordan, et Léa sont décrits comme doués d’un tempérament ouvert, paisible qui leur a permis de s’adapter à la réorganisation familiale ; qu’ils se plaisent, tant avec leur père qu’avec leur mère, et, qu’ils soient accueillis par leur famille paternelle ou maternelle, ils sont chaleureusement entourés par les proches parents et évoluent auprès d’eux dans un cadre matériel et moral stable et sécurisent ;

Que l’enquêtrice, constatant ainsi d’égales qualités éducatives des parents, conclut cependant à la fois à un élargissement du droit de visite et d’hébergement du père en milieux de semaine et à un maintien de la résidence chez la mère aux motifs  » qu’au regard de la disponibilité de chacun des parents et du mode de garde qu’ils proposent, pour que les activités des enfants se poursuivent au mieux de leurs intérêts en leur absence, il sembIerait préférable de privilégier les habitudes qui jusqu’alors ont toujours préservé leur équilibre et leur épanouissement « ; que, certes, les activités habituelles des enfants et l’organisation mise en place lors des absences professionnelles de parents doivent être prises en compte mais l’attitude éducative et la place de chaque parent sont essentielles dans la fixation de la résidence des enfants ;

Que le rapport d’enquête, sociale décrit Monsieur  » L  » n’ayant jamais failli à ses responsabilités paternelles et sincèrement attaché à ses enfants dont il parvient à s’occuper sans difficulté ; qu’il a su surmonter positivement la période difficile qu’il a vécue lors du départ de Madame  » L  » et du décès de sa mère et qu’il a tout mis en œuvre pour accéder à une indépendance matérielle tout à fait satisfaisante et ménager l’intimité de sa relation avec ses enfants comme d’ailleurs la qualité de leur environnement ; « que Jordan et Léa peuvent donc séjourner et être accueillis dans un cadre stable et sécurisant, qu’il s’agisse d’un droit de visite et d’hébergement classique qui mériterait d’être élargi aux milieux de semaine ou éventuellement de leur résidence habituelle sachant que Monsieur  » L  » pourrait s’appuyer sur les services périscolaires et sur son propre père pour le seconder ;

Que Madame « L  » est décrite comme une jeune femme dynamique, volontaire, décidée et apparemment très sûre d’eIle qui tend à gérer sa vie et celle de son entourage de façon assez directive et ce, quitte à parfois privilégier ses intérêts sans trop de concessions vis à vis des difficultés momentanées auxquelles Monsieur  » L  » a dû faire, face ; que l’enquêtrice constate que, si elle n’a jamais failli à ses responsabilités maternelles vis à vis des enfants qu’elle entoure chaleureusement et les fait bénéficier auprès d’elle d’un cadre sécurisant et rassurant car elle sait s’organiser, il convient de veiller à ce que la place du père soit respectée et à ce que les relations des enfants ne dépendent pas de son seul bon vouloir, Madame risquant de privilégier sans concertation ses décisions quant à l’éducation des enfants ;

Qu’il résulte ainsi de ces éléments, confortés par les nombreuses attestations versées aux débats par chacun des parents, celles produites par le père démontrant qu’il a, lors de la vie commune, pris une part très active aux soins, aux loisirs à l’éducation de ses enfants, notamment lors des absences de Madame  » L  » qui avait des engagements professionnels importants, qu’il a dès leur plus jeune âge établi avec eux une relation tout à fait privilégiée et qui doit être sauvegardée ; qu’il n’est pas certain que le morcellement de l’emploi du temps des enfants par des séjours en milieu de semaine chez le père soit le plus adapté à l’intérêt de Jordan et Léa ; que l’évolution de la situation professionnelle de la mère et ses projets familiaux actuels lui donneront certes une plus grande disponibilité mais cette réorganisation ne peut se faire au détriment de la place du père ;

Que la proximité des domiciles parentaux distants de quelques kilomètres seulement permettant le, maintien de leur scolarité actuelle et de leurs activités extra-scolaires, la disponibilité du père qui exerce un emploi lui laissant une certaine liberté dans l’organisation de son emploi du temps, l’aide que peut lui apporter ponctuellement son père ou son entourage, permettent d’envisager l’organisation d’une résidence alternée d’une semaine chez chacun des parents, rien ne les empêchant de mettre au point assemble des modalités pratiques de rencontres avec l’autre parent pendant cette semaine d’accueil que, dans ces conditions, l’ordonnance sera réformée pour l’avenir et la résidence fixée alternativement une semaine chez chaque parent et pendant la moitié des vacances scolaires selon les modalités prévues au présent dispositif ;

Considérant que s’agissant de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, elle a été fixée à la somme de 2.400 F, soit 1 200F par enfant, au vu d’un revenu mensuel de Monsieur  » L  » de 13 406 F, ses charges fixes étant de 8 444F alors que Madame  » L « , qui avait un salaire mensuel de 9 414 F, percevait les allocations familiales pour deux enfants, bénéficiait d’une allocution logement et supportait, environ 9 000 F de charges mensuelles ;

Que la situation professionnelle de Monsieur  » L  » n’a pas varié ; que son revenu professionnel cumulé imposable était de 176 215 F en décembre 2001, son loyer étant de 4 612F et ses autres charges identiques à celles précédemment décrites ;

Que la situation de Madame  » L  » a évolué puisqu’elle s’est mariée en septembre 2001 et a fait l’objet d’un licenciement économique en février 2002 ; qu’elle précise qu’étant actuellement enceinte, elle envisage de prendre un congé parental ;

Que certes, dans cette hypothèse qui ne prendra effet que dans plusieurs mois, si elle maintient son projet de congé parental, puisqu’elle doit actuellement disposer d’indemnités suite à son licenciement, elle se trouvera privée de revenus professionnels, mais que ce choix ne peut être supporté par le père qui devra assumer à part égale la charge financière des enfants, compte tenu du temps qu’ils passent auprès de lui ; qu’à compter de la mise en place d’une résidence alternée, la contribution du père, que le premier juge avait justement fixée à la somme de 2 400F lorsque les enfants résidaient habituellement auprès de la mère, sera en conséquence supprimée; que l’ordonnance sera réformée de ce chef, pour l’avenir uniquement ;

Considérant que la nature familiale du litige commande de laisser à chacune des parties la charge de ses frais et dépens d’appel, ceux de première instance, comprenant les frais d’enquête sociale, restant répartis conformément à la décision déférée ;

PAR CES MOTIFS

Déclare l’appel recevable,

Confirme l’ordonnance déférée, sauf pour l’avenir en ce qui concerne la résidence des enfants, le droit de visite et d’hébergement, la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants,

Et, statuant à nouveau de ces chefs,
Fixe à compter du 29 avril 2002 la résidence des enfants en alternance :
Durant la période scolaire, une semaine chez le père et une semaine chez la mère, du vendredi soir 18 heures au vendredi soir suivant à la même heure,
Durant la moitié des vacances scolaires, la première moitié les années paires et la seconde moitié les années impaires chez le père, la première moitié les années impaires et la seconde moitié les années paires chez la mère,
Supprime, à compter de cette date, la contribution financière de Monsieur  » L  » due à Madame  » L  » au titre de l’entretien et à l’éducation des enfants,
Déboute les parties de toute autre demande,
Laisse à chacune des parties ses frais et dépens d’appel.